Sans-Titre Pour le Moment - 1

Cela faisait déjà quelques temps que l'existence réelle des loups-garous avait été découverte, provoquant les flots de haine que l'on peut imaginer. Pourtant, une fois le secret percé, les loups s'étaient évertués à montrer que leurs conditions étaient bien différentes de ce que l'on voyait dans les films d'horreurs, mais il était impossible de lutter contre les clichés imprimés dans le subconscient collectif depuis une éternité.

Rare sont les humains « normaux » à avoir écouté quand ils ont montré qu'ils ne devenaient pas des monstres sanguinaires après leurs transformations, et que celles-ci n'étaient pas liées aux phases de la lune. Pas plus que quand ils ont expliqué que le seul moyen de transformer un « non-garou » en l'un des leurs, était la transfusion de leur sang.

Pire, on les obligea à quitter leurs maisons. À la place, ils sont logés bunkers au confort très spartiate, dont les portes ne s'ouvrent pas de l'intérieur et sont blindés. Pour ce qui est des fenêtres, la seule différence est qu'elles ne s'ouvrent pas. …Quand il y en a.

Les loups-garous, ainsi traité, commençaient à renier la culture humaine, créant la leur. Leurs familles abandonnaient la structure traditionnelle au profit d'une organisation en clan, comparable à celle des meutes de loups sauvages. Ils développaient aussi une méfiance toujours grandissante à l'égard des rares gens « normaux » disant les soutenir.

Étrangement, la scolarité des loups-garous se faisait encore dans les mêmes établissements que pour le reste de la population, avec les mêmes enseignants et dans les mêmes classes. Mais avec la crainte et la haine qu'ils suscitaient, toutes deux soutenues par la vision volontairement biaisée du problème qu'offraient les médias, cela n'allait plus durer très longtemps.

Pour ma part, j'étais un lycéen « normal » des plus banals, excepté le dégoût que m'inspirait la situation actuelle. Je faisais dans les 1 mètre 65, j'avais les cheveux châtains, avec de premiers signes de calvitie, les yeux bleus, et étais poilu au point de ressembler au stéréotype du loup-garou sous forme humaine.

Au moment où commence notre histoire, je m'apprêtais à aller en cours de physique, ce qui était pour moi le meilleur des cours. Non pas que j'affectionnais particulièrement cette discipline, mais c'était le seul cours où j'étais assis à côté de la belle Mitsuki Oka. Je dois avouer que j'ai rapidement succombé à son charme oriental ! Mais au moment où je m'étais décidé à lui déclarer ma flamme j'ai découvert qu'elle était une louve, et que, par conséquent, mes chances avec elles étaient inférieures à zéro.

J'avais perdu l'habitude de prêter attention à ce cours, préférant profiter de la proximité de la fenêtre et sa vue sur la magnifique cour boisée du lycée. Dans ce décors d'automne, porté par le doux parfum de ma voisine de table, j'imaginais un monde où humains et loups-garous vivaient en harmonie…

Mais ce jour-là mon rêve fut vite interrompu. Le prof, en grand sadique qu'il était, avait soigneusement attendu que l'on soit tous installés pour nous annoncer que les places allaient changer. Bien entendu, je ne m'attendais pas à être de nouveau à côté de Mitsuki, ni même d'aucun autre garou. Mais l'annonce du prétendu pédagogue m'a glacé le sang : « Par mesure de sécurité, tous les loups-garous seront placés côté fenêtres. Les autres élèves iront côté couloir. » Puis, comme pour justifier cette ignominie, il ajouta : « Décision du proviseur ! »

Ils les considéraient comme susceptibles de devenir dangereux, et les éloignaient de la sortie ?!? J'étais tellement indigné que je me suis immédiatement levé en hurlant : « PARDON ?!? Qu'y a-t-il à comprendre là ? Qu'au premier signe que vous jugez inquiétant vous comptez les défenestrer ? » Tout le monde semblait surpris de ma remarque, qu'ils soient garous ou non. Comme si en tant que simple humain je n'avais pas le droit de m'inquiéter pour ceux de mes camarades qui ne le sont officiellement pas ! « IL EST HORS DE QUESTION QUE JE RESTE ICI PLUS LONGTEMPS ! »

Sur ces mots, j'attrapais mon tabouret, le plaçant juste sous la fenêtre avant de grimper dessus. « Eric ? Que faites-vous ?!? » Demanda le prof. « Si ce lycée vous déplaît tant, vous pouvez aller dans un autre !
- Mph ! Comme si toute cette haine n'était pas présente dans les autres lycées ! Mais elle y est, elle est partout dans ce monde et le gangrène, sans personne pour l'arrêter, car tout le monde est déjà rongé par cette rage. Oui ils peuvent se transformer en loup ! Et après ? Cela est-il vraiment une raison valable de les détester ? Moi je ne crois pas ! »

De nouveau je grimpais sur mon tabouret, décidé à aller à la rencontre du sol de la cour. Mais je fus comme happé dans la classe. C'était Amina El Assia, une autre des louves de la classe. Elle était ma voisine et une amie très proche avant que ses semblables soient expédiés dans ce que le gouvernement appelait des réserves. Depuis son déménagement elle ne m'avait plus adressé la parole et m'adressait le même regard méfiant que le reste du lycée. Là, son regard contenait un mélange de colère et d'incompréhension. Elle me hurlait dessus aussi, mais je ne prêtais pas vraiment attention à ses paroles, j'étais sous le choc ! Moi, le mal aimé de service à qui la peur du monde à l'égard des loups-garous avait enlevé tout ami, garou ou pas, on venait de m'empêcher de me suicider !

Pendant un court instant j'ai retrouvé l'espoir. J'ai senti un sourire fugace ce dessiner sur mes lèvres, c'était mon premier sourire depuis longtemps. Puis j'ai attrapé mon sac, ai rapidement jeté mes affaires dedans, et suis tranquillement sorti. J'ai séché les cours le reste de la journée. Je savais que le lendemain j'aurais droit à un test pour s'assurer que je ne sois pas un loup-garou, chose devenue récurrente pour moi, de par mes idées. Mais comme toujours le résultat allait être négatif, me faisant passer pour fou aux yeux de ce monde cinglé.