Un Heureux Valentin

Comme tous les matins depuis que je la connais, je me réveille lentement, constatant avec joie que Gwenaëlle est toujours là, à mes côtés. Qu’elle n’est ni un rêve, ni le fruit de mon imagination. Étrange que mes peurs ne se soit pas estompées avec le temps, qu’une part de moi soit toujours convaincue que Gwen n’est que le fruit de mon désir d’être aimé, de mon désir d’avoir un peu de compagnie dans la vie.

Il faut avouer que notre relation est… Comment dire… Un peu particulière ?

Voyez-vous, Gwenaëlle est une succube. Je sais ce que vous pensez, mais si Gwen n’avait d’autres désirs que de dérober mon âme, je serais mort depuis longtemps.

En fait, malgré sa nature démoniaque, Gwen a toujours été pleine de tendresse avec moi. Sûr, il nous est arrivé de nous disputer, comme n’importe quel couple. Mais même là, elle n’a jamais fait plus que d’élever la voix.

Il n’est rien que j’apprécie plus que ces matinées où l’on peut rester bien au chaud dans notre lit, tous les deux, car ce sont pratiquement les seuls instants où je peux l’admirer dans toute sa beauté, libre du masque humain derrière lequel elle se cache lorsque en publique.

Je sais qu’elle fait semblant de dormir encore, les succubes sont incapables d’avoir leurs propres rêves, ce qui les oblige à partager ceux des autres. Et Gwen n’a pas à chercher bien loin, je suis toujours ravi qu’elle partage les miens !

Je se serais heureux de rester plus longtemps allongé à ses côtés, à profiter de son enivrant parfum, mais nos plans pour la journée s’en retrouveraient quelque peu contrariés. Alors je caresse son flanc du bout du doigt, cette plaisante sensation faisant trembler ses ailes et tressaillir sa longue queue préhensile.

Pourtant, elle refuse toujours d’ouvrir les yeux, alors je lui susurre : « Pour quelle raison t’es-tu autant embêtée à faire faire ce faux certificat de naissance, déjà ? »

Cette fois-ci, elle se lève d’un bond, totalement paniquée, s’exclament : « MARIAGE ! »

Dans sa précipitation, elle oublie qu’elle est toujours sous sa vraie forme, nue de surcroît. Heureusement, je parviens à la stopper avant qu’elle ne sorte… En attrapant sa queue. Cela la stoppe immédiatement, la douleur lui faisant ouvrir ses ailes en grand. « Je te rappelle que mes parents ont dormi ici cette nuit, et qu’ils ignorent tout de ton “petit” secret. » À ces mots, elle respire un grand coup, avant de revêtir son apparence humaine et rapidement enfiler un pyjama, ronchonnant à propos de l’absurdité de devoir s’habiller pour pouvoir aller se laver.

Ce mariage n’a pas grand-chose à voir avec les grandioses cérémonies que l’on voit dans les films, ce n’est qu’un mariage civil, une façon de donner une existence légale à notre couple. En dehors de Gwenaëlle et moi, les seules personnes présentes seront nos témoins, parmi lesquels se trouvent mes parents, et le maire.

Pourtant, avec tous les efforts qu’elle a fournis pour qu’il puisse avoir lieu, ce mariage est, pour moi, le plus beau cadeau de saint-valentin qu’elle puisse me faire ; une sublime preuve d’amour qui fait de moi un heureux valentin.